publié : 08/12/2024
La passeggiata fait partie de l'art de vivre à l'italienne. Avec les beaux jours, lorsque le soleil s'éclipse derrière les toits, l'heure de l'aperitivo approche, et minute après minute, l'artère historique du centre ville, piétonne et charmante comme il se doit, se transforme : une foule s'y retrouve, comme si toute la ville s'était donné rendez-vous pour déambuler, et discuter. Entre amis. Ou entre copines. Ou en famille, avec les poussettes. Toutes générations réunies dans un flot, calme et gai, qui descend la rue, qui la remonte, un flot ininterrompu. Puis la nuit tombe, les terrasses sont remplies, les restaurants aussi, et le flot continue sa grande conversation ambulante, jusqu'à tard dans la soirée.
On y assiste depuis une terrasse de café. Puis on s'y greffe, on devient acteurs de la pièce. Sentiment de communion et de sérénité.
C'est magique, car sur l'espace de la soirée, on comprend ce que c'est qu'authentiquement faire société.
La passeggiata nous est inconnue en France, pourtant autre pays latin et voisin.
Alors, où peut-on vivre cela ?
A peu près partout en Italie ! Mais il est des endroits où c'est tout particulièrement frappant et marquant.
Ça va souvent être non pas une grande ville, car la foule y est forcément "diluée" ; mais ça va être une ville petite ou moyenne, où cette impression surréaliste opère : "mais, il y a là plus de gens dans la rue, que d'habitants possibles dans ce patelin !"
Voici quelques-uns de ces endroits, en Italie... et même ailleurs !
A noter que la plupart des photos ci-dessous ne rendent pas justice à l'atmosphère, mon attention pour la photographie s'abaissant au même rythme que le soleil de fin de journée.
en Italie, à Castelbuono (en Sicile)
Nous nous sommes retrouvés à Castelbuono un peu par hasard, certainement guidés par notre bonne étoile. Initialement, le matin, c'était pour une courte halte confection de sandwiches (à la macelleria Gentile, qui sert la viande élevée à quelques kilomètres de là, un pur délice de sandwich), lancés que nous étions en direction de la montagne pour une randonnée. Puis en fin de journée, au retour de la randonnée : la halte matinale avait suffi à nous convaincre qu'ici en soirée, ça allait sûrement être vachement sympa. On ne croyait pas si bien dire...
Castelbuono est une petite ville, assez isolée dans la montagne sicilienne, à une quarantaine de minutes de la mer, 50 minutes de la ville côtière de Cefalù. Le centre bourg est absolument charmant, son château médiéval en impose, sa place centrale invite à s'y poser et laisser le temps passer, sourire aux lèvres. Seulement voilà, nous sommes samedi en fin de journée, et depuis la terrasse du café, on peut le constater, avec les minutes qui passent, une foule de plus en plus dense converge, une passeggiata mémorable est en train de se former. Incroyable... quelle chance ! 😍
Castelbuono présente cette particularité d'avoir un nombre de cafés et un nombre de restaurant à l'habitant, tout bonnement extraordinaire. Et pourtant cette caractéristique est commune à toute l'Italie, comparativement à la France. Mais ici, c'est encore plus frappant. Alors, lorsqu'arrive le moment de la passeggiata, finalement on ne devrait pas être si surpris de constater ce flot surréaliste de jeunes, de familles, comme si, littéralement, la totalité des habitants de la petite ville et des environs réunis s'étaient donnés rendez-vous sur l'artère principale de la vieille ville.
La pâtisserie Fiasconaro, qui elle aussi paraissait au premier abord incroyablement surdimensionnée pour la ville, et son glacier qui lui fait face dans la rue, deviennent alors plus que jamais pris d'assaut. Au même titre que tous les cafés et restaurants. Tout cela dans le calme paisible du centre bourg sans voiture, sur fond de coucher de soleil rougoyannt sur les montagnes.
Tout au long de la soirée, quel sentiment de plénitude.
en Italie, à Sulmona (province de l'Aquila)
Envie d'une soirée passeggiata en immersion ? La charmante ville de Sulmona, dans les Abruzzes, est un endroit rêvé pour ça !
Ici, vu la physionomie de la ville, dont le centre s'est construit sur une crête, il y a littéralement une seule longue et belle artère qui constitue le "coeur historique" de la ville, et donc, tout naturellement, c'est un concentré de passeggiata qui s'y déroule.
Autre atout : la mentalité de la région, calme et positive, où la passeggiata est une institution.
On ne vient pas à Sulmona spécifiquement pour la passeggiata. En premier lieu, on y vient parce-qu'on est au coeur des Abruzzes. Les deux villes de l'Aquila et Sulmona, deux centres névralgiques, deux "camps de base" depuis lesquels rayonner pour découvrir ces montagnes à la beauté prodigieuse (massifs de Gran Sasso et Monte Velino pour la première, massif de la Maiella pour la seconde), et leurs villes et villages adorables ; mais ça, c'est une autre histoire.
Sulmona fut mon "camp de base", et c'est ici que j'ai "découvert" la passeggiata (dont je ne connaissais pas encore le nom) pour la première fois, moment inoubliable.
en Macédoine du Nord, à Bitola / Битола
Une passeggiata (dans l'esprit) fantastique à Bitola, en Macédoine du Nord non loin de la frontière avec la Bulgarie. Qui l'eut cru ? Nous n'y étions pas préparé.
Et pourtant. L'exacte même sensation qu'à Sulmona ou à Castelbuono. Cette impression que toute la ville, jeunes et moins jeunes et familles, toutes les générations s'élancent pour la promenade le long de l'artère piétonne. Ici, à l'échelle d'une grande ville ! Et l'artère en question, nous l'avons arpentée "au beau milieu de la passeggiata", elle fait plusieurs kilomètres de long ! Depuis l'hyper-centre jusqu'au grand parc et ses innombrables échopes, ce n'est pas un problème, ici, la passeggiata est bonne occasion pour entrenir ses mollets 🙂. Et ici aussi, dans la plus grande sérénité bon enfant. Ce fut une divine surprise, et un nouveau moment de plénitude 🙂.
D'autres déambulations inoubliables
Allez, on fait une entorse à la pureté du concept, en abandonnant une caractéristique unique aux cas cités plus haut : le principe de l'artère unique, qui s'arpente en aller-retours, avec demi-tour instantané dès qu'on a atteint... le point de demi-tour.
Pour autant, la foule de tout âge qui déambule paisiblement en soirée dans le centre ville, ça a énormément de charme dans plein d'autres villes. On peut citer en particulier :
en Italie, à Pérouse (Ombrie)
On change de braquet, une plus grande ville. A une heure trente d'ici il y a Florence, bondée de touristes, pas évident d'y être happé par la Dolce Vita. Or ici à Pérouse, le centre historique, qui alterne palais renaissance et quartiers médiévaux, est tout aussi saisissant, et bonheur suprême, il est quasiment sans touriste, on est juste "entre italiens" 🙂. Alors, quand la fin d'après-midi arrive, et qu'on a déjà bien arpenté, bouche bée, les ruelles pendant des heures, on se glisse avec bonheur dans la foule qui grossit, le long du Corso Pietro Vanucci (ci-dessus, pendant les fêtes de fin d'année)
en Italie, à Lecce (Pouilles)
Une autre grande ville : Lecce, dans les Pouilles. Dans un style encore très différent car cette fois gothique, le centre historique est extraordinaire.
Bien sûr entièrement piéton, c'est épatant à quel point il est vaste et en tous points magnifique. Mais la nuit tombée, on pourrait le croire devenu étriqué, tellement la foule est dense à arpenter les rues en tous sens 🙂, par endroits on a du mal à se frayer un chemin.